Deux ambitieuses créations hip-hop servies sur un plateau, qui donnent du sens au mouvement et qui ont en commun une approche sensible des questions politiques.
COMPAGNIE ANTOINETTE GOMIS • Le Silence Création 2024
Antoinette Gomis imagine la fatigue et l’isolement d’un travailleur immigré dans la France des Trente Glorieuses, qui le réduisent bientôt au silence. La chorégraphe s’appuie sur un style hip-hop, où se mêlent break, house mais aussi krump et steppin’.
COMPAGNIE KONZI / HENDRICKX NTELA • Blind
Fruit des échanges entre les chorégraphes autour de leurs cultures et expériences familiales, la pièce est dansée par cinq krumpers qui ont fait face à une même histoire dans différents pays. Pour symboliser les entraves rencontrées par les personnes immigrées ou racisées dans les sociétés européennes, les interprètes ont travaillé les yeux bandés.
Votre création porte un message particulièrement politique à partir de la figure de votre père, travailleur immigré dans la France des Trente Glorieuses. Cet engagement était-il aussi présent dans vos précédentes pièces et si oui, comment ?
Mon premier spectacle Images questionnait l’image de la femme noire à travers l’oeuvre de Nina Simone. Cette nouvelle création Le Silence, comme les précédentes, porte un message à caractère social, par la mise en avant de la figure de mon père et de tous ceux qui comme lui ont eu le courage ou l’obligation de quitter leur terre dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux et pour leur famille. L’idée est de raconter une histoire extraordinaire, mais partagée par des millions de personnes. Cette invitation au voyage et cette réflexion autour de l’immigration, font naître des émotions chez les spectateurs et leur apportent des clés de compréhension sur les conditions et les raisons de la venue en France de ces voyageurs. Notre dernière création tente de faire le lien entre immigration, essor des grandes entreprises françaises et construction des grands ensembles au cours des Trente Glorieuses.
Votre écriture chorégraphique est marquée par la langue des signes, quand et comment avez-vous croisé son chemin ?
La langue des signes est réellement à la base de mes créations. En 2011, avec le metteur en scène Cyril Machenaud, nous avons tourné une vidéo de danse sur un a capella de Nina Simone et avons utilisé ce langage en traduisant la chanson, je suis partie de ces signes pour créer du mouvement. Création après création, nous avons creusé plus profondément ce choix chorégraphique pour réellement donner du sens au mouvement et faire danser les mots, à tel point que cela est devenu ma signature. Au-delà de l’esthétique, cette pratique me motive à apporter du sens à mes spectacles et à initier des réflexions au travers d’ateliers que je mène avec un public sourd et malentendant (dont certains sont initiés par l’équipe de l’éducation artistique et culturelle de La Villette).
Comment le programme Initiatives d’Artistes de La Villette a-t-il accompagné cette création ?
Après avoir été soutenue par IADU (Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines) au niveau de la formation, la diffusion et la production pour Les Ombres, nous avons eu la chance d’être soutenues par IA (Initiatives d’Artistes) pour Le Silence. Ce soutien se matérialise par des temps de résidences (chorégraphiques et techniques) à la Halle aux cuirs de La Villette, un apport en numéraire en coproduction et une diffusion en avril 2024 lors de ce Plateau hip-hop .